Nombreux sont les enfants victimes de parents manipulateurs pervers narcissiques. Le livre de Julie Arcoulin, 'Survivre aux parents toxiques', s’adresse à tous ces enfants abîmés devenus adultes. Mais aussi à tous ceux qui sont en contact avec une famille où l’un des parents est un manipulateur pervers narcissique : avocats, juges, assistants sociaux, médiateurs, agents de police, psys, directeurs d’école, enseignants, puéricultrices, frères, soeurs, amis…
A l’aide de très nombreux témoignages, Julie Arcoulin, diplômée en communication, coach certifiée formée à la PNL, à l’analyse transactionnelle et à l’EFT, nous aide à identifier le parent toxique et l’enfant victime d’un manipulateur pervers narcissique.
Ce ne sont bien sûr pas les jeunes enfants qui vont lire cet ouvrage, mais les enfants adultes, ainsi que le parent 'd’en face', et les professionnels qui gravitent autour de ces enfants et cherchent à les aider. Il permet de trouver des réponses aux questions que l’on se pose si on a connu cette situation, pour se reconstruire, mais surtout pour mettre des limites, voire couper les ponts si nécessaire.
Quels outils pour aider l’enfant victime ?
Un parent sain, par opposition à un parent manipulateur pervers narcissique, c’est quoi ?
Le parent sain, c’est le parent qui, avec ses maladresses, ses regrets, ses défauts, ses qualités, a l’intention de faire au mieux pour son enfant. Il a la capacité de se remettre en question, de mettre des intentions pour le bien de l’enfant. Julie Arcoulin milite d’ailleurs pour déculpabiliser les parents, parfois mal à l’aise dans cette mouvance d’éducation positive.
"Le parent sain a des choses à mettre en place avec son enfant, dans son quotidien à lui. Il n’a aucun pouvoir sur ce qui se passe de l’autre côté. Cela ne sert à rien d’essayer de faire réfléchir l’autre parent, de lui suggérer comment faire, il fera toujours l’inverse."
Son rôle est d’armer son enfant au mieux pour faire face au parent destructeur : l’autonomiser le plus possible, car il ne recevra peut-être pas à manger chez ce parent déficient, donc lui apprendre à se faire des tartines, à ouvrir les armoires, à se laver quand l’hygiène est un problème.
Il doit aussi éveiller l’esprit critique de l’enfant, le questionner, lui demander son avis, ne pas arriver à une contre-vérité mais l’amener à réfléchir lui-même.
Une véritable intention de nuire
Ce qui distingue le parent sain du parent manipulateur, c’est la véritable intention de nuire.
Il peut bien sûr arriver que le parent sain dérape pour diverses raisons, après une mauvaise nuit ou une mauvaise journée qui met la patience à bout. Il va d’ailleurs rapidement regretter, culpabiliser et essayer de réparer. Il arrive aussi parfois qu’il use d’une certaine manipulation, d’un peu de chantage, par exemple pour inciter son enfant à mieux manger : "mange tes épinards, sinon tu n’auras pas de dessert".
Ce qui distingue un parent sain d’un parent manipulateur, c’est la remise en question, la culpabilité qui arrive vite, et l’intention.
L’intention d’un parent sain qui pousse son enfant à manger est que l’enfant grandisse bien et ait tout ce qu'il lui faut pour vivre bien sa vie d’enfant.
L’intention du parent manipulateur est vraiment de détruire l’autre, parce que l’autre n’existe pas, il est un objet, il est une extension de lui-même qu’il utilise à des fins peu glorieuses.
C’est enfin l’accumulation de ces critères qui fait que l’on est un parent toxique.
Les trois phases de l’emprise
L’emprise que le manipulateur exerce passe par trois phases, dans toutes les formes de relation, que ce soit familiale, parentale, conjugale, sociale… Elle passe d’abord par une sorte de lune de miel, puis vient la dévalorisation et enfin l’isolement.
La première phase, la lune de miel, est un peu différente dans la relation parent-enfant, puisqu’on tombe dedans dès la naissance. Mais elle peut intervenir quand le parent manipulateur sent qu’il est allé trop loin, que l’enfant est fâché, triste et risque de parler. Et surtout au moment d’un divorce ou d’une séparation, dans l’idée qu’il faut rendormir la vigilance de l’enfant. C’est facile avec un enfant qui veut aimer son parent et être aimé par ce parent. Il va dire et faire tout et n’importe quoi, pour obtenir cet amour inconditionnel, qu’il n’obtiendra pas.
L’amour d’un parent manipulateur pervers narcissique est conditionnelet non pas inconditionnel.
La dévalorisation et l’isolement peuvent faire de gros dégâts sur la construction de l’estime de soi et sur la vie entière de l’enfant. Là aussi, le parent sain a comme rôle essentiel de reconstruire et valoriser cette estime de soi.
Les outils du parent manipulateur
Les outils du parent manipulateur pervers narcissique pour exercer son emprise sont nombreux : la flatterie excessive, le flou et le brouillage- les informations peu claires-, la double contrainte - on dit tout et son contraire-, les demandes à la dernière minute pour ne pas laisser la place à la réflexion, le fait de prêcher le faux pour savoir le vrai, la culpabilisation, le chantage affectif, les menaces…
La double contrainte a été reconnue par Amnesty International comme de la torture mentale. Quoi qu’on fasse, ce n’est pas bien, et cela rend vraiment fou. L’enfant qui est toujours dans ce processus ne sera pas du tout connecté à ses envies, à ses besoins, à ce qui est bon pour lui, mais il va constamment se brancher aux besoins du parent et s’oublier totalement lui-même, pour obtenir cet amour inconditionnel. Il est constamment dans la suradaptation et donc déconnecté de lui-même.
Pris isolément, chaque outil ne peut pas permettre de définir quelqu’un comme un pervers narcissique, c’est l’accumulation de ces critères qui le peut.
Le pervers narcissique qui l’est avec son conjoint le sera aussi avec ses enfants. Il le sera aussi avec ses collègues ou ses relations, mais différemment, en fonction de leur réceptivité ou non : est-ce que ça marche ou pas ? Il sentira si la personne est sensible à la manipulation ou si elle y est totalement hermétique.
En famille, il va diviser pour régner et donc avoir des attitudes très différentes avec chacun de ses enfants. Il va souvent choisir un successeur dans la fratrie, qui sera favorisé. Il va faire régner l’injustice parmi les enfants, ce qui va provoquer des conflits et ajouter à sa toute-puissance.
Une justice hermétique au problème
La justice n’est pas formée à cette problématique, elle y est même totalement hermétique, regrette Julie Arcoulin. Il vaut donc mieux éviter ce terme de 'manipulateur' face à un juge, parce que cela se retourne forcément contre soi. En procédure, il y a des choses à faire et à ne pas faire si vous êtes confronté à des expertises psy. Il vaut donc mieux se faire aider ou coacher pour éviter de commettre des erreurs.
On voit vraiment, dans la justice et dans les institutions, de la maltraitance à ce sujet et une certaine complicité avec le parent pervers narcissique. Mais il y a vraiment des choses à mettre en place pour éviter les catastrophes, selon Julie Arcoulin.
Comment détecter un enfant victime de manipulation ?
Face aux autres, l’enfant ne montre rien de ses émotions, il encaisse sans broncher, il a le syndrome de l’imposteur, il minimise ce qui lui arrive, il cherche sans cesse un amour inconditionnel, il souffre de dépendance affective.
Face aux parents, il protège ses parents, il est redevable, il connaît des conflits de loyauté, il est en suradaptation et il est parentifié.
Face à lui-même, il est constamment culpabilisé, il a peur de décevoir, il est anxieux, hypervigilant, il a tendance à ruminer, il est envahi d’un sentiment injustice, il est en manque de reconnaissance, il a une faible estime de lui-même et a l’impression de n’être rien dans la vie.
Ce sont des caractéristiques que l’on retrouve chez ses enfants, mais heureusement, tout ne s’additionne bien sûr pas et des choses peuvent être mises en place, ce n’est pas nécessairement à vie. On peut vraiment se reconstruire et s’en sortir, l’essentiel étant la prise de conscience.
Il est important que les personnes qui ont un rôle à jouer autour de l’enfant soient conscientes de ces caractéristiques.
Tuteur de résilience
Les aidants ne doivent pas perdre leur temps à détruire l’image de l’autre parent, ce qui revient à insulter une partie de l’enfant, ni à essayer de mettre en place des barrières face à ce parent ; Ils doivent plutôt essayer de construire cet enfant, de pallier ces manques en lui montrant qu’il existe d’autres possibilités, d’autres façons de faire, d’autres identités. Et c’est ça qui va permettre à cet enfant de se dire : "je ne suis pas dans une situation normale, tout le monde ne vit pas comme ça, je peux vivre autrement, j’ai droit à d’autres choses".
L’idée est d’être un tuteur de résilience pour l’enfant. On peut l’aider à éveiller son esprit critique, à dénoncer les comportements inadéquats comme frapper, hurler, faire du chantage affectif. Lui dire : "non, ce n’est pas normal. Tu n’es pas obligé d’accepter cela. Comment toi, tu réagirais face à cette situation ?" Car le bien et le mal sont difficilement perçus par cet enfant, leur parent pervers narcissique étant au-dessus des lois, de la politesse, du respect, de la bienveillance.
Si l’enfant reproduit des comportements de son parent manipulateur, il est important de l’inviter à réfléchir sur ce comportement, à mettre un mot dessus et à réfléchir à quelle autre attitude il pourrait adopter pour obtenir ce qu’il veut, mais dans le respect de chacun. Pour qu’il se rende compte que ce n’est pas normal et qu’il s’éloigne de plus en plus du comportement toxique de son parent.
On ne travaillera par ailleurs que sur les faits et pas sur la personne qui les commet. Cela évitera à l’enfant le conflit de loyauté.
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